7 erreurs qui freinent la résilience des PropTechs (et comment les surmonter)
12 août 2025
En dix ans, le secteur PropTech a connu trois grandes phases. D’abord, l’émergence (2013–2019) avec une vague d’innovations portées par des start-ups cherchant à digitaliser un marché encore fragmenté.
Puis, le choc d’accélération lié au Covid-19 (2020–2021), qui a imposé en quelques mois visites virtuelles, signature électronique et assemblées générales à distance, tout en déclenchant une explosion des levées de fonds.
Enfin, depuis 2022, un retournement brutal du marché immobilier : hausse des taux, transactions en chute libre, financement plus rare et exigences accrues des investisseurs.
Dans ce contexte, certaines jeunes pousses s’adaptent et consolident leur modèle, tandis que d’autres disparaissent faute d’avoir anticipé les pièges suivants.
1. Ignorer la réalité métier et terrain
Un produit pensé hors contexte se heurte à une adoption faible. Les start-ups qui réussissent sont celles qui testent leurs solutions directement avec les acteurs de terrain, pour répondre à des besoins concrets et validés.
Comme nous l’explique Alexis Chauffert-Yvart, fondateur et CEO de Flatsy :
“Une grande majorité des PropTechs sont nées dans un cycle de marché haussier, avec des volumes de transactions élevés et des conditions de financement favorables. Ce climat porteur a masqué certaines fragilités structurelles, facilité les levées de fonds et accéléré des croissances artificielles. Lorsque le marché s’est retourné, avec une chute brutale des transactions, beaucoup de modèles – trop dépendants de la fluidité du marché – se sont retrouvés sans relais de croissance ni véritable ancrage métier, ce qui a précipité leur chute.”
2. Miser sur une adoption digitale automatique
Dans l’immobilier, l’innovation technologique ne s’impose pas seule. Les professionnels, souvent attachés à leurs méthodes, ont besoin de pédagogie, de formation et d’intégrations simples avec leurs outils métiers pour franchir le pas.
Selon Jean-Gaston de Lassus, directeur général de MiTrust :
“Le piège dans la PropTech, c’est de croire que le digital sera automatiquement adopté parce que les consommateurs sont connectés. En réalité, l’utilisateur final n’agit pas seul : il dépend d’un écosystème d’acteurs experts. Il est donc crucial de prendre en compte ces professionnels, leur façon de penser, leurs freins, et leur rôle clé dans la recommandation ou l’adoption d’un service. Ignorer cette dimension revient à passer à côté des vraies dynamiques du marché.”
3. Sous-estimer la vente B2B dans l’immobilier
Signer ses premiers clients est une étape. Passer à l’échelle demande une compréhension fine des circuits de décision, des contraintes internes et des leviers de mobilisation des équipes.
💡 Les points de vigilance :
- Un cycle de vente long : les décisions d’achat impliquent plusieurs niveaux de validation et peuvent prendre de 3 à 12 mois, ce qui rallonge considérablement la conversion.
- Un marché ultra-compétitif : face à une avalanche de solutions technologiques, les professionnels sont sollicités en permanence. Se démarquer exige de démontrer immédiatement votre valeur en résolvant un besoin précis.
- Une recherche de volume au détriment de la qualité : mieux vaut compter 10 clients pleinement satisfaits et engagés que 100 partiellement déçus qui freineront votre réputation.
4. Confondre innovation et rupture forcée
La rupture totale avec les usages en place crée souvent plus de résistance que d’adhésion. Les solutions qui améliorent les processus existants et s’intègrent sans friction ont plus de chances de s’ancrer durablement.
La preuve à travers le témoignage de Frédéric Remeur, CEO et co-fondateur d’Homeland :
“On est allés vers l’innovation par petites touches, sans chercher à révolutionner le secteur. Notre objectif n’était pas de tout réinventer, mais simplement de proposer un service qui trouve sa place auprès des clients. On est restés fidèles aux codes du métier, parce que dans notre secteur, les relations sont très humaines, presque intuitives : les clients attendent de la proximité, du lien, pas une rupture. On n’a jamais cherché à casser les prix ni à vendre plus cher sous prétexte de digitalisation. Ce n’était ni économiquement réaliste, ni en phase avec les attentes du marché. Ce qu’on a fait, c’est optimiser ce qui n’apporte pas de valeur — gagner en efficacité — pour pouvoir consacrer davantage de ressources humaines et financières à ce qui compte vraiment pour les clients. C’est là, selon nous, que se joue la vraie différence.”
5. Croître sans modèle économique solide
La course à la croissance financée par des levées rapides n’est plus d’actualité. Aujourd’hui, rentabilité et revenus récurrents sont devenus des critères incontournables pour convaincre investisseurs et partenaires.
Comme nous l’explique Thibaut Escarras, directeur de participations chez NCI :
”Le nouveau paradigme pour les start-ups, notamment en PropTech, c’est de lever des fonds avec un objectif clair de rentabilité, pas juste pour enchaîner les tours de table. La logique est devenue plus rationnelle, avec un horizon de rentabilité visé sous 18 à 24 mois.”
6. Dépendre d’un seul marché, canal ou client
La spécialisation est un atout… jusqu’à ce que le marché ciblé se contracte. La résilience passe par la diversification des segments, des offres et des canaux d’acquisition.
Pour Thibaut Favre, président chez Inch :
“La vraie clé, au-delà des levées de fonds, c’est la réputation. Dans un marché où tu t’installes pour durer, ton réseau et le bouche-à-oreille comptent plus que tout. Et ça passe par une obsession du service client : bien servir ses clients, bien traiter ses partenaires, et faire en sorte que les gens soient vraiment satisfaits de toi.”
7. Travailler en silo, isolé de l’écosystème PropTech
Les solutions fermées peinent à s’imposer. Les start-ups les plus pérennes nouent des partenariats stratégiques, développent des intégrations API et collaborent avec acteurs historiques et complémentaires.
Comme nous l’explique Jérôme Revy :
“Le problème, c’est que tout fonctionne en silos. On croit qu’en réglant un petit bout de la chaîne, on va tout résoudre, mais ça ne marche pas comme ça. Ce manque de vision globale, c’est une des principales raisons des échecs. Si tu lances un énième produit sans le connecter à l’écosystème, tu as toutes les chances de te planter.”
La longévité d’une start-up immobilière ne repose donc pas sur un coup d’éclat technologique, mais sur un équilibre entre vision, pragmatisme et capacité d’adaptation.
Pour découvrir les 7 leviers de succès identifiés par des fondateurs, investisseurs et experts ainsi qu’une projection sur l’avenir du marché immobilier digital à 5–10 ans, téléchargez notre étude complète « La mort des PropTechs ? ».
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